Supposons encore que quelqu’un entende un signe qui lui est
inconnu : le son d’un mot dont il ignore le sens. Il désire
savoir ce que ce mot veut dire, quelle idée évoque ce son.
Par exemple, il entend prononcer le mot temetum ; comme
c’est un mot qu’il ignore, il en cherche le sens. Il faut au
moins qu’il sache que ce mot est un signe, c’est-à-dire que
ce mot n’est pas un son vide, mais un son qui signifie
quelque chose. Autrement, une fois que ce mot de trois
syllabes lui serait connu, une fois que se serait imprimée
en lui, par le sens de l’ouïe, la manière de l’articuler,
qu’aurait-il d’autre à chercher pour le mieux connaître
(puisque toutes les lettres, la quantité de chaque syllabe
lui sont déjà connues), s’il n’avait en même temps
l’évidence que ce mot est un signe et si cette évidence ne
déclenchait en lui le désir de savoir ce que ce mot signifie
? Plus le mot est connu sans toutefois l’être pleinement,
plus l’esprit désire connaître ce qu’il lui en reste â
connaître. Si en effet il ne connaissait que le son et
ignorait que ce son signifie quelque chose, il ne
chercherait plus rien, une fois perçue, autant qu’il était
en son pouvoir, la réalité sensible. Parce qu’il sait au
contraire que ce mot n’est pas seulement un son, mais encore
un signe, il veut en avoir la pleine connaissance. Or nul
signe n’est parfaitement connu, si l’on ne sait ce dont il
est le signe.
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Saint Augustin : le signe
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